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  Théâtre en liberté 2005-2007
Rencontre du 12 décembre 2005
     

 

 

 

avec la comédienne Estelle Bordaçarre

Chroniques lues pendant la rencontre

Mercredi 9 novembre 2005 / 15h30 environ / Rue de Saint Gobin / quartier de la plaine Saint Denis
Envie de regarder, de tout voir pour tout raconter, de prendre des photos pour être sûr de ne pas avoir rêver, de courir, de vomir, de pleurer, de hurler, de taper des poings sur l'asphalte, de monter en haut de la grue pour mieux voir et puis sauter, de gratter jusqu'au sang le bas de mes jambes, de prendre ma tête dans mes mains, de donner mes chaussures, mes chaussettes, ma chemise, mon pantalon, mon slip et mon blouson, envie de chanter à tête tue nu dans les champs, envie aussi de regarder ailleurs, de ne pas me souvenir, de tout oublier. J'ai vu des fantômes à deux pas de la rue des fillettes, à deux pas de Paris la grande, à trois mais pas plus d'un stade que l'on dit de France.

Rue de Marseille15 H
Préparation pour le repas du soir, pendant le match
Découpe du poulet en morceaux puis marinade 40 minutes
Allers-retours à la fenêtre : dehors enfants qui jouent
Olives, citron, sel poivre et deux verres d'eau et cocotte minute
Cuisson 20 minutes et retour à la fenêtre : rue déserte
Remaquillage des yeux
Ajout d'écorces de citrons confits olives
Retour fenêtre : dehors toujours rien, un homme prend en photo un réverbère
16H cuisson terminée, je m'ennuie

18heures
Je sortais du cinéma. J'ai, en face, pris sous les immeubles, derrière les colonne, pour m'abriter de la pluie. Atteindre l'arrêt du tramway. Ne pas aller à pied, ne pas me mouiller, rejoindre la gare. Je me suis arrêté. Je me suis baissé : mon lacet droit était défait. Déjà mouillé. Trempé. J'ai vu, devant moi, dans l'angle, juste à l'angle, une fissure. Elle remontait du sol, le long du mur. Je me suis relevé. debout, la fissure s'arrêtait à hateur exact de les yeux. Je venais, je ne savais plus où, de lire dans un livre que l'auteur, qui racontait son parcours dans une ville –laquelle ?- avait vu une fissure, s'était arrêté, il fixait la fissure juste là où elle s'affinait, devenait une pointe infime, tendue dans une direction verticale légèrement oblique ; il la fixait, il ne voulait plus partir, rester, rester, rester à vouloir fixer cette fissure, ne pas la quitter du regard pour la voir avancer, progresser, monter, quitte à demeurer là le temps qu'il faudrait. Je n'ai pas eu ce courage. J'ai fui l'idée de cet auteur. Je me suis mouillé jusqu'à l'arrêt du tramway.


Edito de Lancelot Hamelin

"Que penser de ce qui arrive ?
Il faudrait d'abord parvenir à "voir" ce qui arrive. Car ce que me raconte la vie au quotidien, la vie immédiate, qui m'arrive, ou celle que je ramasse, par les journaux ou la télévision, ce que me raconte la vie, c'est mon incapacité à "voir" ce qui arrive. Je n'en vois que les manifestations déformées par mes préconceptions.
Aussi, je "vois" toujours la même chose, sans me rendre compte que le monde glisse, que les formes du monde glissent, sous mes yeux, en d'autres formes du monde, glissé.
Le groupe de chroniqueurs que le projet des "Chroniques dionysiennes" rend possible est peut-être l'occasion de frotter les "visions", afin de les renouveller.
Lancelot HAMELIN

   
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