Alors que la révolte menace à l'extérieur, les
clients du Balcon, maison d'illusions et bordel de luxe tenu par Madame
Irma, se livrent à d'étranges cérémonies
dans les salons. Ils jouent à être évêque,
Juge, Général.
Les symboles de l'ordre en place.
Pour Georges, le Chef de la Police qui protège Irma et sa maison
d'illusions, la révolte est l'occasion de devenir enfin un
héros, c'est-à-dire d'accéder à la dignité
d'être représenté dans un salon du bordel, le
salon du Mausolée. Il rêve d'incarner la figure d'un
pouvoir absolu et terrifiant auxquels les hommes - comprenons les
clients à venir - viendront s'identifier.
Dans Le Balcon, pièce écrite avant Les Nègres
et Les Paravents, Jean Genet associe, non sans ironie, notre société
occidentale à un bordel de luxe : un lieu où s'échangent
les corps contre de l'argent, où règnent sans partage
trompe-l'oeil et illusions. Ce faisant, il a, dès 1956, la
vision de ce qui sera notre société du spectacle et
s'attaque avec un rire énorme aux mécanismes du pouvoir.
La parabole du Balcon est claire : l'irrésistible ascension
de Georges n'est autre que celle d'un Franco ou d'un Hitler, mais
sous la forme d'une farce funèbre. Là sans doute réside
le scandale et la force du théâtre de Genet.
Dans ce rire terrible, le rire d'un homme qui sait que tout est perdu.